Bookmark and Share

Que ne ferait-on pas par amour pour sa profession ?

Août 2010
Comment peut on passer l'été en s'enrichissant professionnellement ? Comment séjourner en France sans être une charge pour les amis qui vous accueillent, pour leurs familles ? Comment effectuer un séjour économique ?

Je me suis posée ces questions, ainsi que mes collègues, après mon premier voyage en France en 2008,  alors que j'étais tombée amoureuse définitivement de ce pays. Mais je ne voulais pas en poursuivre la découverte comme une touriste ordinaire. Je voulais voir comment on vit en province, loin des grandes villes bruyantes. Mon ami m'a conseillé le site de « Workaway » sur l'internet.

Voyager autrement

L'objet de ce site est de permettre le  «Voyage en travaillant». Le principe : on vous offre  logement et repas contre votre travail. Vous ne gagnez pas d’argent mais vous n'en dépensez pas pour votre hébergement. Pour publier votre annonce et lire les offres, il faut d’abord payer une petite cotisation. La plupart des travaux proposés sont liés à  l’agriculture,  mais certains concernent la construction. C’est un mouvement international. La géographie des annonces est très large, de l’Australie jusqu’à la Pologne et l’Espagne. Toute l’Europe  est  représentée pour permettre à ceux qui le désirent de se perfectionner dans la langue du pays visité, de voyager et de découvrir de nouvelles façons de vivre. 

Les premiers qui m’ont répondu positivement étaient Jean Yves et Michèle  Quentin du Domaine Bio de Kerjen en Bretagne. Ils étaient prêts à m'accueillir   pendant une période de dix jours minimum à choisir au cours de l'été .

En général, lorsque ça se passe ainsi,  tout est facile: tu reçois la réponse positive, vas à l'agence de voyage, et voilà, tu es en France. Mais c'est plus compliqué  pour les citoyens de notre pays: je devais d'abord me procurer une invitation de la part de mon ami français, puis le visa de  Schengen de la part de l’Ambassade  et seulement après, j’ai pu acheter les billets d'avion les meilleur  marché, avec la correspondance à Vienne,  pour la somme presque raisonnable de 10 000 roubles  (environ 250€ , ce qui représente presque 1 mois de salaire moyen) aller-retour. 

Dix jours à la ferme

Je suis habituée  au travail des champs depuis mon enfance. Très jeune, j'ai appris à faucher, arracher les mauvaise herbes, planter et récolter les légumes. Mais ce que j’ai découvert  en France, c’est la traite des chèvres.Le troupeau compte quinze chèvres de trois races différentes : poitevine (de couleur beige, la laine courte), alpine (noires, les plus hautes) et fossée ( avec une longue laine frisée).  Mon record de traite est de cinq chèvres le matin et cinq le soir ; j’en avais mal aux mains et je devais faire des exercices spéciaux avant la traite. Pour bien réussir la traite des chèvres, il ne faut pas avoir peur de ces animaux. Jean-Yves connait toutes les chèvres par leurs noms. Elles s'appellent Biscoise, Chamoise, Noisette, Princesse, Cyprine, Blondine, Titi, Cabrine, Nougat;  l'un de ces noms, Biscoise, signifie « qu’est-ce que c’est » en breton . Chacune a   son propre caractère; il y a celles qui  sont faciles à traire et celles qui sont très têtues et capricieuses.  Chaque matin a 7h30 j’étais pressée de retrouver le troupeau pour être assise avec la gamelle au flanc  chaud de cet animal généreux  pour lequel j’ai un profond respect. Je lui dois d'avoir été nourrie par son lait   depuis ma naissance.

Ce que j'ai encore appris avec satisfaction, c’est le processus de fabrication du fromage de chèvres.  La  fromagerie est une pièce  de la ferme où tout brille  de   propreté. Les étapes de fabrication du fromage se répètent du matin  au soir : ajouter le ferment dans le lait frais, remplir les moules avec le lait caillé, saler leurs contenus , retourner le fromage,  le mettre à sécher dans l’armoire. Le troupeau donne chaque jour deux seaux du lait. Tout est destiné à la fabrication du fromage. 

On nous a proposé comme travail, en dehors des animaux et du fromage, le lavage de la laine. C’était un ouvrage pour ceux qui ont beaucoup de patience; chaque jour cette activité prenait près de trois heures. C'aurait été ennuyeux si nous n’avions pas parlé autour de l’immense cuve. Nous chantions, racontions des histoires sur les coutumes et traditions de nos peuples, nous plaisantions.

Nous préparions le repas avec les fermiers. Le repas était végétarien. Dans cette maison, on ne mange ni poisson, ni viande. On ne boit ni bière, ni vin. En revanche nous avions sur la table des légumes, des fruits, des herbes comestibles (que tout le monde considère comme des mauvaises herbes) du potager. Tous les végétaux que nous consommions provenaient des 48ha  de champs écologiques. Je ne me suis   jamais trompée parmi les mauvaises herbes. J’ai goûté de la soupe de « chénopode ». Il faut prononcer « kénopod ». Si vous ne connaissez pas le nom de  cette plante, je vous dirais qu'il s'agit de celle  avec laquelle nos grand-mères sauvaient nos parents de la famine pendant la Grande Guerre Nationale. Le végétarisme n’était pas strict. On nous servait du beurre, du fromage de chèvre, de la délicieuse huile d’olive. J’ai appris à faire la compote française. Ce n’est pas la boisson que nous avons d’habitude  d'imaginer. Il s'agit d'une sorte de purée de pommes cuites sans sucre avec un tout petit peu d’eau. La cuisson dure environ quinze minutes, il faut mélanger de temps en temps pour que les pommes ne brûlent pas. Après, on peut ajouter des épices et un peu de sucre.

Une fois par semaine la famille fait du pain. La préparation commence le jeudi soir et finit le vendredi après-midi. On fait ici cinq types de pain sans levure, mais avec du levain qui doit demeurer dans un lieu chaud d'une semaine sur l'autre. Les différents pains  sont celui au sarrasin, aux châtaignes, aux pommes de terre, le pain bis, celui au blé germé. Le four à pain breton est immense. Il y a assez de place pour mettre dedans les moules avec le pain nécessaire à  15 ou 20 personnes pendant une semaine . J'avais déjà l'expérience de la confection du pain car, enfant, je passais  toutes les vacances d’été dans une campagne perdue de l’Oural et j’enfournais les lourds moules avec le pain blanc dans le four russe.

Les condition de la vie à la ferme sont très correctes. La ferme se compose de   plusieurs bâtiments. Nous mangions dans la maison du fermier. Nos chambres se trouvaient dans une grande construction à deux étages. Au rez-de-chaussée habite Marie-Thérèse, la mère de Jean-Yves. A chaque étage il y a des WC et une douche. Partout à la ferme fleurissent les arbustes et les fleurs de différentes espèces. Dans le jardin poussent  les arbres à kiwi. Les fruits seront mûres en novembre. C’est dommage, nous n'en avons pas profité  !

Découverte de la Bretagne

On peut écrire beaucoup de choses sur le climat étonnant de la Bretagne. Je vous conseille de lire le livre de Pierre Loti «  Pêcheur d’Islande» pour vous faire une idée de la particularité de cette région. On la nomme « le frigidaire de la France ». Ici on peut s'échapper de la canicule  de l’été français. Ici il ne fait pas chaud, il ne fait pas froid,  il ne fait pas  soleil tous les jours, il ne pleut pas sans cesse. Le temps change très vite et constamment. Même la pluie n’est pas comme   ailleurs. C’est comme des gouttes d’eau suspendues dans l’air. Un mot spécial désigne cette pluie fine et ce mot est très attaché à la Bretagne : le crachin.  Cependant, il y a suffisamment   de soleil et d'humidité, des conditions idéales pour la végétation.

Qui travaillent à la ferme ? Près de 24 personnes peuvent être accueillie simultanément. En même temps que moi à la ferme, se trouvaient Rose-Marin, élève de terminale de Hollande,  Elodie et Foster, deux institutrices de 24 ans, l'une Française et l'autre Américaine, qui venaient d'Égypte. Lors de ma première rencontre avec la retraitée américaine, Marie, de 62 ans, elle a rappelé, à mon grand étonnement, que nous étions des ennemis historiques. Mais après cette déclaration,  nos relations sont devenues assez bonnes. Il y avait encore Judith, docteur en science de l’Allemagne, de 35 ans, et Katyrine qui travaille comme chercheur climatologue pour le gouvernement australien. Cette jeune fille de 30 ans a beaucoup voyagé . Elle nous a dit qu’elle avait eu la chance de visiter tous nos pays, notamment elle avait fait le voyage par le Transsibérien. Les chômeurs, Viviane, une Française de 55 ans et David, un Belge de 17 ans, ont trouvé ici l’endroit temporaire où on peut travailler et chercher un emploi alentour. David voyageait à travers la France en auto-stop. Il nous a raconté son pèlerinage vers les lieux saints de Saint Jaques de Compostelle en Espagne. On trouvait encore Peter, un Anglais très bien élevé, de 17 ans, étudiant de première année de l’Université . Aucun travail ne lui faisait peur. Mais quand on nous a donné des faucilles pour faucher l’herbe, il s'est coupé un bout de doigt dans son enthousiasme. Ce qui ne   l'a pas empêché d’organiser un petit concert en l’honneur du 54ème anniversaire de Michèle. Lui, il jouait du violon et Rose-Marin, du piano.

J'ai amélioré mon français

Tous les étrangers qui se trouvaient dans cette ferme  voulaient améliorer leur français, chacun avec ses propres raisons. L'un en avait besoin pour sa culture linguistique, un autre pour son développement professionnel. Les jeunes gens comprennent que la connaissance du français augmente leur chance de trouver un emploi dans les pays francophones. Le niveau de pratique de la langue entre les résidents était différent de l'un à l'autre. A vrai dire, si je n’avais pas communiqué  en Français  avec les fermiers, les autres autochtones et avec les Belges, j’aurais regretté mon séjour à la ferme, l'Anglais étant la langue la plus utilisée entre les résidents.

Avant mon voyage je craignais de ne pas comprendre le breton. Mais Jean-Yves m’a expliqué que presque personne ne parlent cette langue aujourd'hui. Mais,  sur les routes, toutes les indications étaient écrites en français et en breton. Le français des Bretons est bien articulé , lent et compréhensible. J’ai beaucoup parlé  avec les gens pendant mes excursions à travers les villes bretonnes.

Qu’ai je vu pendant 10 jours passés en Bretagne ? Pas mal de choses. Mon attitude au travail me valut le privilège d'accompagner les fermiers au marché. Les   agriculteurs « bio » ont la possibilité de vendre leurs produits écologiques sur des  marchés particuliers. Les jours et les lieux des vente sont strictement indiqués. Mes promenades se passaient entre 8h du matin et 14h. Je ne craignais pas de me perdre; en premier, je cherchais l’office de tourisme et puis, chargée de documentations variées, je m’orientais librement dans les villes inconnues.

Visite de la région

Je ferme les yeux. C’est comme si j'étais de nouveau à Concarneau, avec sa « ville-close » et ses ports de pêche et de plaisance. Aujourd’hui c’est le premier port thonier de France.  Les premières fortifications datent du 14ème siècle. Ces remparts furent remaniés par Vauban et l’on dit que durant les guerres contre les anglais, cette cité fut la quatrième place forte de Bretagne.  Si vous avez la chance de passer dans cette ville le troisième dimanche d’aout, profitez-en pour aller admirer la pittoresque fête folklorique des « Filets Bleus », pendant laquelle des danseurs et musiciens costumés défilent dans les rues de la ville. Cette fête fut instaurée en 1905 afin de venir en aide aux pêcheurs de sardines et à leurs familles. L’appellation «Filet bleu » vient des sardiniers qui avaient une bande de peinture bleue sur leur coque.

Je vois les charmantes rues étroites de Quimper, la maison de la faïence, la cathédrale de Saint–Corentin et le musée de l’art breton,  le canal avec ses multiples ponts décorés avec des fleurs en jardinières, le canal avec ses grands poissons qui nagent tranquillement sans se soucier des pêcheurs, interdits en ville.

 A Pleyben, j’ai visité une chocolaterie, extension de la fabrique des célèbres galettes, très connue dans cette région. L'une des spécialités reconnues de ce confiseur est le « granit breton », rose ou gris comme son modèle réel du bord de mer. Ce bonbon est tendre et délicieux. Le chocolat dont il est fait résiste aux hautes température jusqu’à 45°.  Hors ses fabriques, Pleyben offre à ses visiteurs l’un des plus beaux ensemble architecturaux de Bretagne : il est classé Monument Historique.

Pittoresque, Chateaulin se trouve aux bords du canal Nantes-Breste avec le marché le long de ses quais. Certaines des  maisons de la rive droite sont construites à moitié dans les rochers. La ville était dès le 14ème siècle le centre de production d’ardoise. Il y avait ici des nombreux carrières où travaillaient  de courageux ardoisiers. Les toits des maisons en Bretagne sont couverts avec des ardoises de couleur grise. Cette particularité les distingue des autres régions françaises où les toitures couvertes des tuiles sont les plus courantes. 

Lors de ma visite de Chateauneuf du Faou, il pleuvait toute la journée.  Comme d’habitude en Bretagne, la pluie n’était pas forte mais douce et même,  agréable.  J'ai marché longtemps pour rejoindre le canal, en bas de la ville, car ici, en comparaison avec Chateaulin, la ville se trouve en hauteur, au dessus du canal Nantes-Brest. Il m'a fallu deux heures pour remonter au centre . Fatiguée mais satisfaite j’étais assise sur un banc public de pierre, comme partout ici ,un banc éternel. Il est indestructible, combien de générations se sont reposées là ? Et quel paysage magnifique s’ouvre à la vue, de cette haute rive !

Dans les marchés locaux, on vend la production artisanale, les produits de la ferme. Je ne pouvais en croire mes yeux lorsque je vis parmi eux, de vrais sabots, de gros sabots de bois. Et ce ne sont pas les souvenirs régionaux mais les objets quotidiens, nécessaires pour les hivers froids, ceux qu'on porte avec des chaussettes de laine.   

Un jour, les fermiers nous ont proposé l'excursion dans le Parc Naturel Régional d’Armorique. Nous avons visité le village d' Huelgoat. Près d'un moulin transformé en musée, commence la forêt traversée par une petite rivière qui   sillonne entre d’immenses pierres. Il s'agit d'énormes rochers ronds et ovales comme polis par les vents, les pluies, et cela depuis la période glacière. Nous   sommes descendues dans la grotte de Diable. Là, se trouve une pierre en équilibre qui pèse 20 tonnes et qui peut se balancer. On la pousse et, l'oreille sur la pierre qui bouge, on l'entend qui vibre.

Après Huelgoat nous nous sommes dirigés vers un menhir solitaire. Il fallait   se déchausser ici car Michèle nous a dit que cet endroit était sacré. Nous avons fait une ronde  autour du géant et pensé à l'esprit universel et aux  religions différentes.

Notre périple se poursuivit à travers un paysage sans arbres. Le dernier point de notre excursion était la montagne Saint-Michel. Au sommet, une seule petite chapelle s'élevait, sans décorations extraordinaires. Mais en regardant vers le bas,   les yeux se régalaient au spectacle des vastes vallées, des taches bleus des lacs au milieu des champs, des éoliennes...

J’ai aimé les éoliennes. Elles sont sveltes et elles te regardent amicalement la nuit avec leurs yeux bleus qui clignotent.

De merveilleux souvenirs

Et voilà, mes 10 jours se sont passés. J’ai dit adieu à tout le monde et tous   m'ont embrassée. On m’a dit que j’étais une vrai femme russe. Car j’ai aidé les plus jeunes et j’ai soutenu ceux qui souffraient car j'étais « costaud ». Je ne  connaissais pas ce mot et j’ai compris sa signification ici: en fait, « être costaud », c'est savoir et aimer travailler, et ne pas avoir peur du travail. A la surprise des fermiers, j’ai tricoté des chaussettes pendant mon temps libre et j’ai su réparer la machine à coudre comme un vrai spécialiste. Et les chèvres, mes chères chèvres  qui sans le savoir, me permettaient de visiter la région parce que j'étais presque seule à ne pas avoir peur de les traire... 

Je peux dire que la solution Workaway donne de multiples avantages à ceux qui rêvent d'un voyage bon marché et enrichissant du point de vue de la langue et de la connaissance de la culture locale. Mais ce programme n’est pas fait pour les paresseux. Il faut être assez sociable, bien élevé. Il faut respecter les coutume du pays, et être tolérant envers les habitudes des personnes qui vous reçoivent.

Quant au Domaine Bio Kerjaen, près de 150 personnes venus des pays différents passent ici une partie de leurs vacances au cours de l’été. Certains  reviennent encore et encore. Mais pour la plupart, c’est une étape parmi d'autres au cours de leur voyage à travers la France.

Par les fenêtres du train qui m'éloignait de la Bretagne, je voyais défiler les paysages variés, la Loire, Nantes, et j'imaginais quelles sortes d'occupations m'attendaient plus au Sud, pour les semaines à venir  au domaine de La Pertuzerie avec ses chambres d'hôtes. J'avais déjà passé trois semaines en France et avant de rejoindre ma nouvelle étape d'échange de services, j'allais séjourner trois jours  dans la famille de mon ami, découvrir de nouvelles personnes et une nouvelle région, le Poitou-Charentes, mais c'est une autre histoire...

 

 

 

Publier un nouveau commentaire

Le contenu de ce champ sera maintenu privé et ne sera pas affiché publiquement.
CAPTCHA
Ceci sert à vérifier que vous êtes un être humain et non un robot. Merci.
1 + 4 =
Solve this simple math problem and enter the result. E.g. for 1+3, enter 4.

Suivez l'actualité de Francomania :

en devenant ami sur Facebook de "Francomania Russie" et en vous abonnant à la Lettre Francomania.

Exposition en ligne
La ville de Brest et la Bibliothèque Nationale de France ont organisées ensemble cette exposition accessible en ligne.
musée du Louvre
Les grands musées français
De plus en plus de musées et de sites touristiques français proposent des visites virtuelles de salles, d'oeuvres, de jardins ou de bâtiments.
exercices en ligne, carte de Russie, correspondants
Saviez-vous qu'il est possible de créer des exercices en ligne sur Francomania ou bien encore de présenter votre établissement sur la carte du français en Russie ?